concours Differents Love, série Veronica Mars, fic 1 - Inscris-toi gratuitement et surfe sans pub !
Le mouvement est suspendu. Suspendu. La main hésite, le souffle aussi. Le bras s’abaisse, le regard se voile légèrement et elle se laisse glisser contre la porte. Juste laisser les choses décider pour elle. S’asseoir en face. Attendre, observer cette porte close. Ecouter. Etre attentive au moindre bruit, juste pour savoir s’il y a encore quelque chose à regretter.
Elle fixe la frise de carreaux colorés, au bas de la porte. S’il y a plus de blanc que de rouge, elle s’en ira sans plus réfléchir. S’il y a plus de rouge que de blanc, elle frappe à cette porte. Si le blanc l’emporte, c’est définitivement fini. Si le rouge l’emporte, l’épique a un véritable sens. Si le rouge l’emporte, il est permis d’espérer.
Vingt-deux rouges. Vingt-et-un blancs. Vingt-trois beiges. Est-ce que le beige compte comme le blanc ? Est-ce qu’elle doit partir ? Est-ce que cette omission du beige dans son coup de dés initial est une marque inconsciente de son refus de décider ?
Elle sourit. Elle ne se reconnaît tellement pas dans cette hésitation que c’en est risible. C’est tellement plus simple de prétendre ne pas être touchée, tellement plus simple d’exclure définitivement de sa vie ceux qui l’ont blessée qu’elle ne sait plus trop ce qu’elle fait là, comme cela à attendre.
Arrêter de compter les carreaux, se lever, prendre son sac, attendre que les portes de l’ascenseur s’ouvrent, puis se referment, enfin. Descendre. Partir. Oublier. L’oublier. Prétendre que tout s’est déjà arrêté il y a dix mois. Prétendre qu’on ne se brûle pas les ailes deux fois contre le même brasier. Tellement plus simple. Ce serait tellement plus simple. Alors pourquoi ne peut-elle pas juste détacher le regard du pas de cette porte ? Pourquoi ne peut-elle pas juste se lever et partir ?
Dès qu’il est question de Logan les murs ont la fâcheuse tendance à sembler plus lointain que ce qu’ils ne le sont réellement. Dès qu’il est question de Logan, elle perd toute rationalité.
Elle lève soudainement les yeux. Détacher le regard. Arrêter de compter ces stupides carreaux. La vie n’est pas un jeu Veronica. La vie n’est pas un jeu. La vie ne doit pas être une attente indéfinie. La vie doit être choix. Trancher dans le vif. Un fois pour toute. Se lever, frapper à cette porte et décider.
Et le mouvement est suspendu, à nouveau, devant la porte. La main hésite, le souffle aussi. Impression de déjà vu. Le regard se voile, le regard s’embrume, le bras s’abaisse, elle recule d’un pas. Agitation à l’intérieur. Elle entend. La pupille se dilate. S’éloigner. Choisir. S’éloigner ou choisir de frapper. Ne pas laisser le hasard décider pour elle. Ne pas le laisser choisir pour elle. Ne pas laisser ses mots à lui résonner en boucle. Choisir. Choisir !
L’hésitation ce n’est pas elle. Elle refuse de se mettre à nue ainsi. Elle refuse l’idée qu’il la découvre ainsi. Vingt-deux carreaux rouges, vingt-et-un carreaux blancs, vingt-trois carreaux beiges. Le beige l’emporte. Elle frappe.
Le temps s’étire. Trois pas. Le temps se tait. Deux pas. Le temps s’arrête. La porte s’ouvre.
- Veronica ?
Sourire timide en face. Les habits d’hier. Les habits d’hier… Et ça tourne en boucle. Quelques phrases. Une intonation, un regard, une musique. Personne n’écrit sur les amours faciles Veronica. Personne.
- Veronica ?
Hésitation dans son regard à lui. L’espoir qui n’ose s’avouer dans le fond de l’œil. Qui se rallume peu à peu, mais porté par l’angoisse de disparaître. Contraint par l’angoisse de disparaître. Un écartèlement au cœur de la pupille.
Son regard à elle se durcit. Paraître certaine pour ne pas voir en lui le reflet d’elle-même. Deux perdus ne font pas un trouvé.
- Je suis venue te dire que je ne crois pas en l’épique Logan. J’ai arrêtéede croire aux fins heureuses il y a deux ans. Et je suis fatiguée de la complexité. Fatiguée Logan.
Etrange amusement dans le regard d’en face. Stupeur blessée qu’elle essaye de cacher.
- Alors, laisse-moi résumer, tu t’es levée ce matin après avoir dormi moins de quatre heures, tu as traversé la moitié de la ville pour venir frapper à ma porte et me dire que tu ne partages pas ma vision des choses, c’est bien cela ?
Son regard s’assombrit. Lui réprime un sourire naissant.
- Exactement. C’est exactement cela. Maintenant excuse-moi, il faut que je rentre, la journée de demain sera difficile.
Quelques pas rapides vers l’ascenseur.
- Veronica.
Encore quelque pas.
- Veronica !
La porte s’ouvre, elle se retourne, il se tient au milieu du couloir. Regard franc, sourire qui s’impose. Hésitation, elle retient son souffle.
- Je t’attendrai Veronica.
Les portes se referment.
- Je t’attendrai.