Mini-Fic n°1

ONE WAY OR ANOTHER

Aujourd'hui. 21h30. Scène du Pink Ladies.

Des rires gras lui parvinrent du fond de la salle. Quelques applaudissements souffreteux claquèrent près du bar où le tenancier essuyait inlassablement le même verre depuis qu'il était monté sur scène. Un seul client lui faisait face au premier rang, engloutissant en continu de pleines poignées de cacahuètes à l'hygiène douteuse. Il le regardait sans cligner des yeux, immobile à part le mouvement mécanique de sa mandibule inférieure et de son bras droit. Il hésitait entre débile profond et ivrogne patenté. A la vue de la bouteille de whisky quasiment vide comme porte drapeau sur la table ronde soutenant son coude, il se décida pour l'option deux.

Il venait de jouer sa dernière carte. Dodge lui avait bien rappelé que l'échéance se terminait ce soir. Et toujours pas de tête blonde à l'horizon.

Alors qu'il restait sur la scène scrutant la porte qui demeurait désespérément close, un colosse tout en muscles  et stéroïdes s'approcha de lui pour lui arracher le micro des mains avant de le pousser rudement en bas des marches jusqu'aux coulisses. Il finit sur les genoux, la lèvre en sang. Il resta pendant presque une minute dans la même position encore sonné. Un léger chuintement sur le sol poussiéreux de la pièce bétonnée qui servait de loge le sortit de son hébétement. Lorsqu'il releva la tête, la main sur sa bouche sanguinolente, son champ de vision était obstrué par deux Converses noires, taille 6. Se remettant debout péniblement, il constata que sa bonne étoile ne l'avait peut-être pas encore abandonné. Sa côte fêlée le faisait toujours atrocement souffrir. Et son atterrissage forcé n'avait pas arrangé la chose.

 

- Tu devrais limiter le sport tu sais ! Arrivé à un certain âge, le tricot est bien plus conseillé.

- Et bien justement. Pour pouvoir m'y mettre, j'ai besoin que tu fasse des miracles. J'ai vraiment besoin de toi Veronica.

- Doux bruit à mes oreilles que celui des pièces tombant dans le tiroir caisse, s'amusa-t-elle en mimant devant lui le mouvement d'une machine enregistreuse d'un autre temps. Ca tombe quand même bien! Juste au moment où j'aurais voulu tester ce nouvel objectif ...

- Une jeune fille de votre âge devrait plus s'inquiéter de la couleur de son nouveau bikini que d'un appareil photo me semble-t-il, lança une voix grave derrière elle.

 

Elle fit rapidement volte face, la main déjà dans son sac. Les touches de son taser lui démangeaient les doigts. Les vieux reflexes ont la vie dure. La réputation de Dodge Rafferty n'était plus à faire. Veronica avait largement pu admirer son faciès sur les murs du commissariat lorsqu'elle venait rendre visite à son père. Trapu avec pourtant une bonne tête de plus qu'elle, ce qui finalement n'était pas un critère si on y réfléchissait bien, son costume chocolat à fines rayures noires plissait étrangement au niveau du coude et de l'épaule. Hypertrophie des avant-bras, en déduisit-elle. Mais ce qui la fascina tout d'abord ce fut ses mains. Elle était sure qu'elles n'auraient eu aucun mal à écraser à elles seules la tête de la loque humaine qui se cachait désormais derrière elle.

 

- S'abriter derrière une si petite chose n'est-il pas un peu présomptueux, lui adressa-t-il comme si il avait suivi le même cheminement de pensée qu'elle.

- Allez leur expliquer que je ne suis qu'une adolescente en manque d'argent de poche! Soupira-t-elle bruyamment en haussant les épaules pour cacher son appréhension.

 

Il gloussa devant son minois limite aguicheur et approcha sa main de son menton. Son bras se plaqua plus fortement sur son sac. Elle avait beau savoir où elle mettait les pieds, la prudence n'en demeurait pas moins de mise.

 

- Suivez-moi je vous en prie. Don s'est chargé de vous mettre à votre aise ? S'enquit-il galamment. Laissez donc votre sac ici. Vous n'avez rien à craindre. N'est ce pas ?

 

Malgré les risques, elle ne pouvait trop s'aventurer à jouer la fanfaronne. Elle obtempéra donc et tendit son sac à l'homme silencieux mais chien fidèle qui accompagnait Dodge Rafferty. Ils sortirent des coulisses par une petite porte dérobée derrière une lourde tenture et émergèrent dans une ruelle peu éclairée et malodorante. Tandis qu'elle notait tous les détails sordides caractérisant le quartier, un rai de lumière jaune apparut à sa droite.

 

Deux jours plus tôt. 23 heures. Maison des Echolls.

 

Elle n'arrêtait pas de jeter des regards vers la maison. Il fallait qu'Eli arrive. Elle souffla de soulagement quand elle entendit au loin le vrombissement d'une moto. Il stoppa devant elle et ota son casque.

 

- Alors V, besoin d'un taxi de nuit? Mais qu'est ce que tu foutais dans ce quartier à cette ...

- Rien. Pas de question maintenant. On doit partir d'ici, et vite! L'interrompit-elle.

 

Après être sortis du quartier des 09ers, il s'arrêta sur le bas-côté et se planta face à elle.

 

- Qu'est ce que tu faisais ici? Je te préviens si tu recommences ...

- J'étais chez Logan. A sa soirée d'anniversaire.

- Qu'est ce qui te lie à ce gosse de riche?

- C'est compliqué ...

- Si ça ne l'était pas, ce ne serait pas toi V!

- On sortait ensemble, lâcha-t-elle d'un trait.

- Quoi? Mais ...

 

A n'y rien comprendre. Allez Eli, pour une fois faire preuve d'un peu de compréhension.

 

-Il ne t'a pas assez fait souffrir cette année? Tu te disais que dans la journée au lycée c'était pas suffisant et que tant qu'à faire, autant subir à temps plein? Mais t'es maso ma pauvre Mars!

 

Raté pour la compassion et la douceur. Pas dans ses cordes !

 

- Parle le gars qui s'est amouraché d'une fille de milliardaire qui ne cherchait qu'à jouer avec lui et provoquer sa mère? Excuse-moi, mais tu es loin de pouvoir te porter en exemple!

- OK. Touché. Je modère mes propos. Pourquoi as-tu dans ce cas-là voulu quitter si rapidement la soirée de ce petit con?

- On était dans le pool house... , se rembrunit-elle après avoir souri malgré tout à l'insulte.

- Tu vas faire attention à te limiter dans les détails d'accord? Implora-til comiquement.

- ... j'ai trouvé des caméras cachées dans le plafond au dessus du lit et un magnétoscope.

- Le côté vicieux et dépravé de Logan a l'air de t'étonner...T'as l'intention de faire quoi maintenant?

- L'oublier. Et dormir, répondit-elle sobrement pour clore cet échange.

 

L'impossibilité d'avoir une conversation normale pendant que la moto roulait les rassura tous les deux. Elle n'avait rien à prouver à Weevil, mais le regard réprobateur et limite paternaliste qu'il avait posé sur elle avant d'enfourcher son engin en disait long.

Les lumières de la cour intérieure du lotissement de Veronica projetaient sur la route une forme étrange et rougeoyante. Loin d'être rassurante.

 

- Tu penses que ça a un rapport avec la mort de Lilly? Dit-il les mains toujours collées à son guidon, sans même avoir pris la peine d'arrêter le moteur.

- Non, il a un alibi pour ce jour-là. Ce n'est pas possible, il était à Tijuana. Le vice a du bon parfois.

 

Il constatait qu'elle était touchée. Il ne comprenait pas trop ce besoin qu'il avait de la protéger. Il n'y avait aucune ambiguité entre eux. Elle n'était pas du tout son genre. Pas assez pulpeuse, trop acide. Sortir avec elle ne devait pas être de tout repos. Il en viendrait même à plaindre ce pauvre Echolls. Il était sur qu'il allait en baver maintenant. Elle n'allait surement laisser cette découverte moisir dans un coin de sa mémoire.

 

Aujourd'hui. 21h45. Sortie des artistes du Pink Ladies.

 

- Venez Mademoiselle Mars. Suivez-moi. Ainsi que votre client bien sur , ajouta-t-il à l'adresse de Brandon Greeneyes qui ne pipait mot, reproduisant sagement chaque pas de Veronica.

 

Cette fois-ci, ils arrivèrent dans un dédale de couloirs et d'escaliers. Il toqua trois coups secs à une porte plus large que les autres et patienta. Au bout de quelques secondes, un autre Don vint lui ouvrir. En tout point semblable. Si on exceptait la calvitie déjà bien installée de celui-ci et qu'il se prénommait Bob.

 

- Bob, Don va prendre la relève de la surveillance de la salle et tu vas venir accompagner mes amis de passage. Nous devons leur réserver un accueil digne de ce nom.

 

Le fameux Don arrivait déjà derrière eux et s'installa dans un coin de la pièce pour surveiller les faits et gestes de tout ce beau monde. Veronica détaillait ce qu'elle avait sous les yeux et ne pouvait s'empêcher de sourire. Six tables rondes, chacune occupée par quatre ou cinq hommes, qui s'ils ne tenaient pas un verre ou une cigarette, gardaient religieusement leur mains plaquées sur leurs cartes bien à plat sur le tapis vert.

 

- Coolidge n'aurait pas fait plus vrai, ne put-elle s'empêcher de remarquer.

 

Tout y était, des mines les plus patibulaires au stress le plus palpable chez ceux qui n'avaient déjà plus beaucoup de billets à avancer. Elle constatait qu'il n'avait surement pas fallu beaucoup d'imagination au peintre pour remplacer les visages inquisiteurs qui la regardaient maintenant par les faciès de bouledogues et autres canidés qui habitaient ses tableaux. Le kitch dans toute sa splendeur. Désespérant comme certaines personnes prenaient plaisir à entrer dans les stéréotypes.

 

- Rassurez-moi, les enjeux ne sont pas des chatons?

 

OK. Les malfrats autour de la table où se jouaient ces parties illégales devaient plus regarder les matchs de catch féminin que les séries télé.

 

- Le fossé des générations, on n'y peut rien !

 

De nombreuses têtes avaient quitté des yeux leur jeu désormais posé devant eux pour suivre l'étrange cortège. L'homme que tous craignaient d'une manière ou d'une autre, une adolescente tout juste sortie du lycée et un individu discret, obnubilé par ses chaussures.

 

- Tu leur fait passer des auditions maintenant Dodge? Pas sur que celle-ci puisse remplir les tenues que tu leur payes! Fusa une voix du coin gauche de la salle enfumée.

 

Ses yeux la picotaient, et le stress qu'elle cachait du mieux qu'elle pouvait l'obligeait à se concentrer sur sa cible principale, ce mastodonte de muscles et de chair. Mais on ne renie pas son moi-profond. Face à la peur ou à un adversaire, toujours cacher son appréhension et contre-attaquer.

 

- Vous devriez l'embaucher pour vos spectacles, il a l'air d'avoir du succès auprès du style de public que vous cherchez à satisfaire!

 

Celui qui s'était adressé à Rafferty commença à gesticuler sur sa chaise et fit mine de se lever n'ayant pas particulièrement apprécié l'ironie de la remarque. D'un geste nonchalant mais pourtant emprunt d'une autorité de patricien, le chef de la mafia l'invita sèchement à se rasseoir.

Elle reconnut immédiatement Weevil parmi les joueurs installés à une table du fond. Baissant les yeux, elle fit mine de l'ignorer. Impassible, il lui jeta un rapide coup d'oeil désintéressé. Toute son attention était monopolisée par ses cartes. Elle releva enfin la tête vers Dodge Rafferty et l'interrogea du regard.

 

- Vous avez l'intention de discuter ici de notre affaire ou vous préférez qu'on fasse ça dans un endroit plus discret?

- Jeune fille, pour l'instant vous m'amusez, la toisa-t-il de toute sa hauteur en se tournant vers elle. Mais ne jouez pas trop. Je ne suis pas particulièrement reconnu pour mon magnanisme et ma patience ...

- Pourtant j'aurais juré avoir lu ces mêmes qualificatifs sur votre annuaire de lycée ! De nos jours, on ne peut plus faire confiance à rien!

 

Il sourit. Après tout, elle le divertissait. Sa fraicheur et son aplomb lui faisaient oublier l'espace de quelques minutes les hommes qui venaient ramper devant lui pour le supplier d'intervenir en leur faveur ou quémander une rallonge pour rembourser l'argent qu'ils lui avaient emprunter à un taux inversement proportionnel à la patience qu'il déploierait à leur égard.

 

La veille. 9h00. Bureau de Mars Investigation..

 

Une journée identique à bien d'autres depuis le début de cette année. Le soleil filtrait à travers les vitraux, jetant des reflets colorés sur le bureau devant lequel était attablée la fille de l'ancien shérif de Neptune. On aurait pu croire qu'elle planchait sur ses derniers devoirs à rendre. Mais à bien y regarder, la chemise qui dominait la pile de cahiers n'avait rien à voir avec un quelconque devoir de classe. Ni l'homme qui rentra après le petit coup discret frappé à la porte d'entrée à un élève de Neptune High.

 

- Veronica, c'est bien ça? Dit-il sans préambule.

- Ca dépend, commença-t-elle lentement. On est censé se connaître?

 

Il se laissa choir sur le sofa le long du mur de l'entrée et se prit la tête entre les mains. Il marmonna quelque chose.

 

- Première chose, on se présente si vous voulez être sur la liste des invités à notre birthday party, ensuite, articulez et adressez-vous à moi plutôt qu'à vos chaussures qui j'en suis sure, seront moins compétentes que moi.

- Pardon, mais là j'ai plus les idées très claires.

- Bien, alors commençons par le début. Vous avez un nom?

- Brandon Greeneyes.

- Et je devrais savoir qui vous êtes?

- Tu ne dois pas te rappeler de moi. J'ai été un indic pour ton père quand il était encore shérif, et il m'avait parlé de sa fille. Et j'ai entendu dire que depuis qu'il est P.I., il travaille en ville en famille. Alors j'imagine ...

- Quelle esprit de déduction! Vous voulez vous reconvertir du bon côté de la loi et devenir associé avec mon père peut-être?

- Je n'en peux plus, se lamenta-t-il alors que cette dernière boutade venait de l'achever.  Ils m'ont laissé 48 heures. Ils ont dit qu'après ils me briseraient les genoux et les mains. J'ai déjà une côte en mauvais état. En signe de pense-bête qu'ils m'on dit. Il faut que ton père m'aide Veronica, c'est une question de vie ou de mort!

 

Et maintenant il se mettait à sangloter ...

 

- C'est un mythe de croire que les femmes préfèrent les hommes qui n'ont pas peur de pleurer!

 

Pourquoi être si agressive? Il n'avait rien de menaçant, bien au contraire. Mais elle ne pouvait s'empêcher de réagir de façon épidermique face aux êtres qui jouaient de la pitié pour se faire aider. Elle en avait trop vu pénétrer dans ce bureau. Et elle n'avait jamais voulu s'abaisser jusque là.

 

- J'ai de quoi le payer ...

 

Mais les affaires sont les affaires. Et on ne passe pas à côté d'un vrai repas protéiné.

 

- Mon père est absent jusqu'à la fin de la semaine.

- Non, il faut absolument que je le vois! Je ...

- Du calme. Dites-moi de quoi il s'agit.

- A toi?

- Tic tac, tic tac ... Vous préférez aller voir le shérif?

- OK... Je suis un artiste. Je me produis sur des petites scènes. Actuellement, je travaille dans un bar nommé le Pink Ladies à Ringleton.

 

Elle se contint de rire ouvertement. Ringleton était une petite ville assez semblable à Neptune. Située à une cinquantaine de kilomètres de celle-ci dans les terres, elle possédait les mêmes caractéristiques que Neptune. Même comté, même topographie sociale. Et par le biais d'une déduction rapide mais malheureusement justifiée, le Pink Ladies devait tout avoir du bouge sordide planqué dans les quartiers malfamés de la ville.

 

- Et vous voulez échapper à une horde de fans qui vous harcèlent !

- Je suis sur le point de me faire virer de mon job. Pour arrondir mes fins de mois, j'ai proposé mes services. Et j'ai perdu la marchandise. Enfin, plus précisément, on me l'a volée. Or elle appartenait à Dodge Rafferty.

- Minute! Vous acceptez du trafic illégal pour arrondir vos fins de mois et vous me dites que avez de quoi me payer?

- J'ai de quoi vous payer, mais pas de quoi remplacer une toile volée de plus de 100 000 $ !

- Vous pouvez toujours essayer à crédit, ironisa-t-elle.

- Ils m'ont donné jusqu'à demain soir pour leur restituer la toile, continua-t-il peu sensible à l'humour de Veronica.

- Désolé, mais je n'aide pas les voleurs.

- Mais sur le coup je ne savais pas! Je devais simplement remettre un colis !

- Et ils vous avaient offert le costume et le badge de la poste? Arrêtez, ne me dites pas que vous ne vous doutiez de rien!

- OK. Je supposais bien qu'on sortait de la légalité, mais je n'aurais jamais imaginé que ça prenne une telle ampleur.

 

Elle réfléchit quelques instants. Les finances étaient toujours dures et actuellement elle avait vraiment besoin de penser à autre chose.

 

- D'accord; 400$ la journée. Payé d'avance, soit pour 2 jours, je vous laisse faire le calcul. Et sans promesse de résultat.

- Mais c'est du vol qualifié à ce prix-là!

- Je suis sure que ça vous reviendra beaucoup moins cher de faire imprimer vos nouvelles cartes de visite. Brandon le manchot! Ça claque quand même! A vous de voir!

- Tu prends le liquide je suppose ..., soupira-t-il au bout d'une minute d'un silence révélateur.

 

En sortant, il ne vit pas la personne qui ouvrait la porte et se prit de plein fouet une épaule droite vêtue d'un blouson de cuir.

 

- Hey minable, regarde où tu vas !

 

Décidément, ce n'était pas cette semaine que Brandon Greeneyes allait jouer au loto. Il ne manquerait plus qu'il se mette à dos le gang des motards de Neptune !

 

- Arrête Eli. On est gentil avec les clients ici.

 

Il le laissa finalement passer et s'approcha du bureau de Veronica.

 

- Alors Chica, la guerre est en marche ?

- De quoi tu parles ?

- Ben je me suis dis que tu n'allais pas laisser ce gosse de riche s'en tirer à si bon compte et je me demandais si tu n'avais pas besoin d'un peu d'aide ...

- Je travaille en solo Weevil.

- Oui je sais. Ne jamais espérer l'aide de quiconque. Moi j'appelle ça de l'égoïsme quand même.

-  C'est pas de l'égoïsme. c'est de l'instinct de survie. Rien n'est gratuit et je n'ai plus grand chose à offrir.

- Alors dis-toi que c'est ta B.A. Pense à mon plaisir personnel de lui éclater la tronche.

- Ne le sous-estime pas. Et on arrête de parler de lui d'accord. Par chance, j'ai justement une nouvelle affaire pour me changer les idées. Alors j'ai du travail, lança comme fin de non recevoir.

 

Ce que Eli reçut 5/5. Maussade, il lui tourna le dos et se dirigea vers la sortie. Elle l'interpela alors qu'il s'apprêtait à passer la porte.

 

- Quoique j'aurais peut-être besoin d'un petit service ... Tu connais Dodge Rafferty ?

 

 

Aujourd'hui. 22h00. Au détour d'un couloir du Pink Ladies.

 

Elle avait beau jouer son rôle à la perfection, elle n'en menait pas large. Le savoir malgré tout dans une pièce non loin d'elle la rassurait. Se jeter dans la gueule du loup de manière aussi inconsidérée devait décidément être inscrit dans son capital génétique. Tare familiale diraient certains.

 

- Honneur aux dames, l'invita Dodge Rafferty en ouvrant la porte capitonnée devant laquelle il s'était arrêté.

- Bien, maintenant, que me proposez-vous qui pourrait me convaincre de laisser filer cet artiste incompris? Lui demanda-t-il en entrant dans son bureau, digne reproduction des films de série B.

 

Elle lui tendit une enveloppe.

 

- Un chèque qui couvre mes frais?

- Le nom du voleur et des photos attestant de sa culpabilité. Et je saute l'étape où vous l'avez vous-même dérobé à son propriétaire.

 

Il s'assit confortablement dans son fauteuil en cuir et la scruta longuement.

 

- Donc vous êtes en train de me dire que Greeneyes n'a rien a voir dans la disparition de ce tableau?

- Non rien du tout. Honnêtement, vous le croyez capable d'un tel coup? Ouvrez, vous verrez bien. Tout y est.

 

Alors qu'il allait décacheter l'enveloppe, la porte s'ouvrit violemment.

 

- C'est quoi ce bordel Dodge! Y'a des tricheurs dans tes soirées maintenant? Je veux être remboursé immédiatement! Cria Weevil en agitant fortement les bras au dessus de sa tête tout en faisant un rapide coup-d'œil à Veronica.

 

L'entrée vociférante s'accompagna d'un drôle de remue-ménage. Le fameux Bob pour l'instant immobile et en retrait, semblait soudain très pressé de quitter la pièce. Mais alors qu'il allait passer la porte, le motard l'attrapa par l'épaule et lui fit faire volte-face.

 

- Attends amigo, la fête n'est pas encore finie ...

 

Bob mit la main à sa poche pour sortir son arme mais le latino fut plus rapide que lui et lui retourna le poignet violemment. Le malfrat se laissa tomber à terre sous le coup de la douleur fulgurante qui irradiait désormais tout son avant-bras.

 

- Et bien et bien Bob ... Tu voulais nous fausser compagnie? Une course urgente peut-être?

- Pas du tout, balbutia-t-il. Je voulais juste ...

- T'enfuir, Bobby. Tout simplement t'enfuir, prononça Veronica pour terminer sa phrase. Un sentiment de culpabilité peut-être?

 

Brandon avait l'impression d'être sur une autre planète. Bien loin du sordide avenir qu'il projetait encore pour lui une demi-heure auparavant.

 

- On peut m'expliquer? Put-il simplement dire.

- Alors par où commencer ... J'ai découvert que le tableau avait en fait été récupéré par Bob ici présent, sauf qu'il m'était impossible de le retrouver dans les délais impartis et que je n'avait aucune preuve concrète à proposer à Mr Rafferty.

- Mais et dans l'enveloppe? T'as dit que tu avais tout pour m'incriminer! Eructa le voleur.

- Voici. Répondit-elle en récupérant l'enveloppe que Dodge Rafferty avait reposée sur le bureau sans l'ouvrir. Les photos de vacances de Brad et Angelina avec leurs enfants à la Barbade, les photos de la dernière cure de désintox de Amy Wineheouse. Ouch, c'est vraiment pas beau à voir !

- Mais comment comptais-tu convaincre Rafferty? S'inquiéta Brandon.

- Mais je l'avais déjà quasiment convaincu.  J'ai oublié de te présenter un ami à moi, Eli Navarro. Et accessoirement cousin par alliance de la fille de Mr Rafferty. Les liens du sang, y'a que ça de vrai de nos jours!

- Alors tout ce cirque ...

- N'était là que pour laisser la possibilité à Bob de s'incriminer tout seul. Ce qu'il n'a manqué de faire dès qu'on lui a laissé la possibilité de s'enfuir. Les hommes sont parfois d'un prévisible! Soupira-t-elle.

- Ca veut dire que tout est fini?

- Oui, et je te conseille de ne pas te lancer dans une carrière de voleur, tes compétences y sont très limitées !

- Vous pouvez nous laisser Mr Greeneyes maintenant?

 

Pendant que Veronica terminait son explication, Dodge avait discrètement rappelé un autre de ses sbires et lui avait laissé emmené le fameux Bobby.

 

- Nous sommes quittes désormais Mademoiselle Mars, n'est ce pas?

 

Elle frissonna au ton de la voix posée et suave. Elle ne voulait pas savoir ce qu'il adviendrait de Bob. Et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de se sentir mal. La trahison n'avait jamais eu beaucoup de succès dans le cercle très fermé de la mafia.

 

- Tout à fait.

 

Elle exhala un soupir de concupiscence en aspirant goulument l'air frais de la nuit tombée. Même si elle se savait accompagnée de son fidèle chevalier latino, elle ne voulait pas imaginer ce qui aurait pu se produire si le voleur avait réagi d'une toute autre manière. Il était beaucoup plus facile et rassurant  après tout de vivre parmi les  élèves d'un lycée. Quand bien même celui-ci se tenait sur les terres quelque peu dépravées de Neptune.

 

- C'est du travail de pro! L'interrompit Weevil en souriant.

- Tu ne rechercherais pas les compliments là? S'exclama-t-elle les mains sur les hanches.

- Pas besoin. Je constate. On est efficaces ensemble.

- Tu veux être embauché par mon père et tu veux une lettre de recommandation, c'est ça? Demanda-t-elle soupçonneuse.

- Non, je veux juste dire que ça me plait bien de jouer du côté des gentils parfois. Tenta-t-il de l'amadouer face à tant de suspicion.

- Mais pour ça t'as besoin de moi?

- Ben oui. Sinon tu me connais, des vies brisées, du sang, des larmes ...Finalement ça se mérite une relation épique comme la notre !

Elle hoqueta de surprise et le regarda le plus sérieusement possible.

- Non mais ça te monte à la tête là! Épique et puis quoi encore! Tu as de la chance parce que je ne m'y attendais pas. Mais je te jure que le prochain qui me sort ça, je lui ris au nez!

Puis sur ces derniers mots, elle enfonça le casque noir sur ses cheveux blonds et abaissa sa visière.

 
Ecrit par Mulderbuz